Hamada Madi Boléro, le nouveau Secrétaire Général de la Commission de l’Océan Indien, a
déclaré que durant son mandat la « question
de Mayotte » serait
évaluée pour que l’île « revienne dans le giron » des Comores. Nous avons là l’un des nombreux
soubresauts d’une crise diplomatique vieille de plus de quarante ans.
Avant d'aller plus loin, voici une carte montrant les Etats de l'océan indien et leur positionnement au sein des organisations régionales:
Avant d'aller plus loin, voici une carte montrant les Etats de l'océan indien et leur positionnement au sein des organisations régionales:
Boléro est un proche du pouvoir comorien, qui a conservé sa position diplomatique comme d’autres Etats de l’océan indien comme Madagascar ou institutions internationales comme les Nations Unies, l’Union Africaine, la Ligue Africaine concernant le choix des Mahorais de demeurer au sein de la République française, votant contre l’indépendance de Mayotte. La position commune est la condamnation de la France pour le non-respect de la Charte de Décolonisation des Nations Unies[1] touchant à « l’intangibilité des frontières des nouveaux Etats indépendants ». La France est coupable selon celle lecture du droit internationale de la violation d’une convention internationale qu’elle a signée, ratifiée et violée donc. La colonie des Comores a été démembrée de l’une de ses îles par la France qui a conservé Mayotte.
Se
contenter de cette lecture ne permettrait pas de comprendre le fond du
problème, qui est en réalité bien plus profond qu’il n’y paraît. Le fait est
que le droit international est en complète contradiction avec lui-même dans la
question de Mayotte. Les détracteurs de la France dans cette affaire ne peuvent
rejeter d’un revers de manche l’article 1er alinéa 2, de la Charte
des Nations Unies reconnaissant la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Les Mahorais ayant exprimé clairement et à plusieurs reprises leur refus
d’appartenir à l’Etat comorien, se sont exprimé comme peuple, pour leur
appartenance à la République Française. Ce principe de droit international
nécessite deux présupposés, qui sont l’utis possedentis, ainsi que la
non-ingérence des Nations-Unies, sauf pour motif humanitaire dans ces affaires.
Pour dénier aux Mahorais le fait d’être un peuple, il faudrait revenir sur la
génèse de la colonie des Comores et de leur unification sous le pouvoir colonial,
de leur histoire conflictuelle.
Les
Comores sont en effet connues pour être « l’archipel
des sultans batailleurs » aux
luttes incessantes et aux conflits liés à la possession d’esclaves ou pour leur
contrôle des routes des négriers dans le cadre du commerce quadrangulaire.
Mayotte était considérée comme une dépendance du sultanat d’Anjouan par ses
maîtres. Mayotte était tantôt dépendance, tantôt indépendante. Lorsque le
sultan mis en place par Anjouan déclarait son indépendance, l’île se retrouvait
envahie et un nouveau sultan anjouanais était mis en place à la place du félon.
Mayotte est aussi l’île colonisée en première dans l’archipel en 1841, alors
que les autres îles, d’abord protectorats puis colonies rejoignent Mayotte sous
le gouvernorat de Dzaoudzi dans le courant des années 1890. A partir de 1914,
les Comores disparaissent en tant que telle et deviennent une dépendance de la
colonie de Madagascar. Elles recouvrent leur unité administrative et politique
par la création du Territoire d’Outre-Mer des Comores en 1946. Le référundum
pour l’indépendance des Comores se déroule lui en 1974. Les Comores n’ont
réellement était unifiée que durant 28 ans. L’argument de l’unité qui
détabilise l’organisation politique et administrative de façon grave le jeune
Etat est donc un peu faible. Les Mahorais peuvent être considérés comme un
peuple, eu égard à son métissage plus marqué avec des populations malgaches,
par ses spécificités et son développement, son histoire à l’égard, en marge des
Comores. L’unification artificielle du territoire, de courte durée n’aurait
plus modifier cela. La revendication de rattachement de Mayotte aux Comores est
donc elle aussi illégitime dans le sens où elle violerait le droit d’un peuple
à disposer de lui-même et de son destin.
Les deux camps en présence présentent des arguments légitimes de
part et d’autres. L’inertie des machines diplomatiques et la force des
représentations politiques elles persistent et le statut quo perdure. Ainsi, la
conservation de Mayotte par la France a put être vue dans le monde, connaissant
peu le contexte particulier des Comores et de leur histoire, comme un cas de
néocolonialisme flagrant et donc condamnable comme c’est le cas au sein des
Nations Unies et de ses vingt et une résolutions touchant à Mayotte, ou de
l’Union Africaine. Cependant, un retour pur et simple de Mayotte au sein des
Comores est impossible tel que c’est souvent souligné pour la bonne et simple
raison qu’il s’agirait d’une violation elle aussi flagrante du droit des
Mahorais à décider de leurs destins. Il s’agirait d’une annexion non dissimulée
d’une île mais aussi d’un peuple ce qui est impossible à penser pour le droit
international.
L’Etat
comorien, lui ne peut non plus renoncer à Mayotte. Il s’agit d’une question
d’honneur mais surtout d’un faire valoir international pour les dirigeants mais
aussi l’Etat en grande difficulté. Le mal-développement caractérise les
Comores, ainsi que la corruption des fonctionnaires peu voire pas payés, la
violence des relations sociales, les coups d’Etat, les dictatures nombreuses,
les fraudes électorales. Voir mon article Mais à quoi joue Azali ?
Pour
conclure, nous avons là un nouveau soubresaut, une nouvelle frasques. Il
s’agit d’une erreur diplomatique du nouveau Secrétaire Général qui ignore les
jeux et la structure fondamentale qu’a pris la COI cette dernière décennie. La
présence de la France dans cette structure par la Réunion rend ces questions
politiques et conflictuelles caduques pour la pérennité de la Commission. En
effet, lorsqu’un puissant Etat, le second contributeur de la Commission après
les Nations Unies se trouve en conflit, il est logique de ne pas le mettre en
accusation, de le rendre coupable d’un litige. Pour vous rendre compte des contributions à la COI par les différents Etats membres, se référer au graphique ci dessous:
C’est
pour cette raison, que les principales questions traitées au sein de la COI
sont avant tout culturelles, environnementales et que Mayotte est soigneusement
mise à l’écart des discussions budgétaires, des missions. Il s’agit d’une
simple erreur, et non d’un acte mûrement réflechit puisque la présidence
tournante de la COI passait en même temps à…l’Etat français qui a commencé son
mandat par le boycott du nouveau Secrétariat Général.
La
question est ancienne, le litige bien ancré. Ce n’est pas par des phrases
simples pour plaire à un président, ou pour plaire à un peuple malmené ailleurs
dans le domaine de la politique intérieure, privé de liberté qu’une sortie de
crise sera envisageable.
Florentin Brocheton-août 2016-Fourmie de Baobab
[1] Voir la résolution 1514 résolution 1514 (XV) de l'Assemblée Générale des Nations Unies
mais aussi voir l' article 1er alinéa 2 de la Charte des Nations Unies sur l'autodétermination des peuples.
mais aussi voir l' article 1er alinéa 2 de la Charte des Nations Unies sur l'autodétermination des peuples.
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